review on CLIMAX (mouvement)

Lucie Combes
20.10.2015

Vue de dedans

Yasmeen Godder

Climax de Yasmeen Godder a été créée pour le musée de Petach Tikva en Israël et présentée dans une nouvelle version au théâtre Garonne à Toulouse. Véritable expérience où chaque spectateur, libre de déambuler, est invité à se placer où bon lui semble au sein de la performance. Retours sur Climax.

Adieu scène, salle, quatrième mur

Il y a d’abord l’entrée dans les Ateliers, la découverte d’un espace presque vide où ne tardent pas à se rassembler six danseurs, dans un coin, pour une ronde. Certains spectateurs sont assis contre les murs, d’autres debout. On regarde, on déambule, on parle parfois.

La lumière est toujours là mais quelque chose a bien commencé qui s’installe et se déplace dans la salle. Il y a un mouvement que l’on suit du regard, que l’on accompagne lorsqu’il se dérobe, et auquel on participe lorsque les danseurs nous y invitent.

Il y a la proximité, le souffle, le regard. Chaque mouvement est chargé d’une émotion qui se propage intensément à tous les corps en présence.

Dois-je camper à la place que je me suis attribuée alors que des corps s’élancent vers moi et m’enserrent bientôt ?

Dois-je suivre les deux danseurs qui soudain passent une porte, ou rester ici, avec les autres qui semblent attendre ?

Les interprètes ne cessent de se rassembler pour mieux exploser, se diviser et habiter différents espaces de l’Atelier.

Si ce dispositif n’est pas inédit, la manière dont les danseurs habitent cet espace avec les spectateurs est d’une grande intensité.

 

Moi, eux, nous, ici, maintenant.

Il est rare de plonger dans les yeux d’un interprète pendant qu’il danse et de voir son regard s’accrocher au vôtre, transmettant toute la charge émotionnelle qui anime son corps. AvecClimax, Yasmeen Godder nous met au cœur de « la relation ». Il ne s’agit pas uniquement d’observer les danseurs interagir, de voir comment leur groupe fait bande ou société avant de s’éclater et se dissoudre en individualités, couples, trios, pour plus tard se regrouper à nouveau.

La force de la proposition tient au langage établi par les corps. Il y a dans Climax un sentiment de partager la même expérience, de faire communauté, pour un temps.

Quelle est notre place ? Jusqu’à quel point suis-je autorisée, membre du public, à me lancer dans la danse ? Tout est question de cadre.

Quelles sont les limites ?

Une certaine complicité s’instaure, fragile, et se transforme en inquiétude lorsque les danseurs se mettent à tourner autour du groupe de spectateurs d’un air malfaisant.

Peut-on parler de manipulation ? Jusqu’à quel point suis-je capable de me laisser faire et d’imiter ?

On expérimente ce qu’être et faire ensemble a de terrifiant au travers des répétitions et de l’agencement d’élans parfois violents, de gestes provocateurs et de mouvement aux accents militaires tranchant avec les moments de communion, d’humour et de convivialité.

Quels sont les ressorts du positionnement de l’individu dans le groupe ? La relation aux autres se construit dans un subtil et jubilatoire entrelacs de distanciation et d’empathie. Nous sommes bien au théâtre, nous voyons la combinaison de phrases et les éléments plastiques issus des précédentes créations de la chorégraphe et pourtant il semble que l’expérience que l’on vit va plus loin, tant elle nous engage et nous questionne aussi politiquement.

 

Climax de Yasmeen Godder a eu lieu du 8 au 10 octobre au Théâtre Garonne, Toulouse.

 

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Lucie Combespublié’s review in Mouvement  – Translation to English

 Goodbye (scene hall force wall)

First, there is in the entry hall of the studio the discovery of space almost empty where six dancers soon gather together, in a corner, to dance in circle. A part of the audience is sitting along the walls, another part is just standing. People just watch, walk through and sometimes speak. The light is always present. Something has begun, it develop itself and move around in the hall.  The performance is like a movement which can be followed by the audience, to which the audience is joining in a moment of interruption and to which people viewers are asked to take part by the dancers themselves.

There is an atmosphere of proximity, common breath and exchange of gazes. Each move in the performance is loaded with an emotion which defuses itself to all the bodies participating in this experience.  Shall I freeze in my seat whereas bodies are running towards me? And soon surrounding me? Shall I follow the two dancers who leave the hall by passing through a door? Or stay with the others whom seem to wait?      

The performers gather to move away creating an impression of explosion. They find themselves in different locations in the studio.  If this way of preforming isn’t completely new, the way the dancers leave the space together with the viewers is of the at most intensity.

I, them, we, here and now

It is rare to have the opportunity to look in the eyes of the performer while he’s preforming and to get the happiness of an instantaneous physical exchange with him. In the performance Climax, Yasmeen Godder puts us in the heart of this intense relationship.

There is in Climax a sense of sharing the same experience of creating a community for a short time.  Where is my place? May I jump and join the dance as a member of the audience? The question of framework is raised by the performance.  What are the limits?

Is it a manipulation? To which extent do I indulge in imitation and accept to be manipulated?

In this performance we experiment what is terrifying and dangerous in being and acting together, especially through the repetition of violence encounters and impulses of provocative gestures with military connotations.  What are the moving forces that determine the place of the individual in the group? The relationship to the other is built upon a subtle enjoyable play of distance and empathy.  This performance is a form of theatre, there is in it a visible combination of chorographic elements, coming from previews creations of Yasmeen Godder. But in this new work, she goes beyond what she has done before and engage us in a difficult and demanding political questioning.